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Les migrations et le droit aux mobilités : pour une nouvelle approche

Document mis en ligne le 7 janvier 2010
La médiathèque de l'Ihédate propose une sélection de vidéos, interventions, textes, synthèses, choisie dans les archives de l’institut. Les documents de la médiathèque sont accessibles librement sur notre site Web, n'hésitez pas à référencer ces pages si leur contenu vous intéresse. Les archives de l'Institut contiennent bien plus de documents encore – notamment plus d'un millier de vidéos–, dont l'accès est réservé à nos auditeurs actuels et passés.

2010


Les États et les organisations régionales comme l’Union Européenne mettent en place des politiques restrictives et/ou sélectives face aux migrations internationales. Ces logiques de protection des territoires nationaux sont-elles efficaces ? Ne sont-elles pas à la fois contre productives et décalées par rapport à la réalité des pratiques des migrants internationaux ? Le modèle de la migration définitive n’est-il pas progressivement remplacé par des comportements de mobilité, d’aller et retour, de pérégrination entre des sociétés de plus en plus métissées ?


NB : nos excuses pour la qualité déficience de la vidéo : le serveur de streaming est passé de 4/3 à 16/9...


Parmi les flux, les flux migratoires ne sont pas les derniers : sur la planète, un milliard de personnes sont en situation de mobilité internationale :

Sud → Nord : 60 millions
Sud → Sud : 61 millions
Nord → Nord : 30 millions
Nord → Sud : 14 millions
Est ↔ Ouest : 14 millions.

Des catégorisations aux contours de plus en plus incertains

Il peut s’agir de migrations de travailleurs, ou de réfugiés, ou encore de migrations familiales, avec, en moindre nombre, les migrations des étudiants, des touristes, des retraités. Les réfugiés et déplacés représentent à eux seuls 40 millions de personnes. Depuis 2000, ces catégories deviennent plus floues : les profils sociologiques des travailleurs et des réfugiés peuvent se recouvrir. On verra également ces migrations selon le statut qu’elles ont dans chaque pays : pays de départ, pays d’accueil, pays de transit. Le Maroc et la Turquie, par exemple, relèvent des trois catégories. La France, avec les Afghans, se redécouvre pays de transit (en effet, au XIXe siècle, elle l’était déjà pour nombre d’Allemands, dont certains, faute d’argent, restaient).
Sur le continent américain, les flux vont plutôt du sud au nord, dans une complémentarité entre démographie et main d’œuvre. L’Europe, elle, fonctionne avec l’Afrique, mais a commencé à se brancher sur l’est. Le monde russe connait une intense mobilité, particulièrement entre la Fédération et ses anciennes colonies musulmanes, avec la Chine.

Depuis vingt ans, l’Europe est devenue l’une des zones les plus attractives, on y arrive par la route, par bateau. Les migrants ont souvent des proches en Europe, le passé colonial a créé une communauté de langue. Au point que l’Europe attire plus d’émigration légale que les États-Unis, ce qui ne fait pas partie de l’imaginaire national. Mais c’est l’Iran qui accueille le plus grand nombre de réfugiés – 6 millions depuis dix ans – suivi par le Pakistan.

Au XIXe siècle, il était difficile de sortir de chez soi, mais aujourd’hui beaucoup de pays ont compris l’intérêt à laisser partir leurs gens, c’est pour eux essentiel. Contrairement au XIXe siècle, on voit donc des pays de départ qui ouvrent leurs frontières, des pays d’accueil qui les ferment : on a toute une économie de la frontière, avec des passeurs. La frontière est devenue une ressource. Les Nations Unies essaient de protéger les migrants, à travers une convention de leurs droits, y compris des droits des sans-papiers  : aucun pays du nord ne l’a signée.

Le développement d’une quasi diaspora est récent, avec une prise d’autonomie des migrants : les Indiens sont 30 millions de par le monde, les Chinois 50 millions. L’Europe a 12 millions de Roms… Ce phénomène n’est pas négligeable, il est visible et inquiète les opinions publiques.

L’Europe a 30 millions d’étrangers, dont 5 millions d’européens. Le traité de Schengen, en affirmant la libre circulation à l’intérieur de l’Europe, renforçait aussi les frontières : on pensait ainsi renforcer les migrations inter-européennes, voir la main d’œuvre circuler à l’intérieur des frontières. Mais le système fonctionne mal, avec des milliers de morts en Méditerranée et une migration clandestine importante. Cette doctrine de l’immigration « zéro » a été bousculée par le rapport de l’ONU sur les migrations de remplacement. Les politiques d’immigration sélective ont toujours existé partout sous la forme « on entrouvre les frontières » : c’est l’immigration choisie en France, le permis à points en Allemagne, les accords bilatéraux entre l’Espagne et l’Ukraine…
Les pays d’Europe ont également connu des modifications dans le droit de la nationalité. Presque tous appliquaient le droit du sang. Le droit du sol a été réintroduit en 1889 en France.

Cent ans après, il existe dans nombre de pays européens et permet d’intégrer les immigrés et leurs enfants. L’Italie conserve le droit du sang, ce qui lui permet de compter ses émigrés.

Des situations variées selon les régions et les pays du monde

En ce qui concerne l’immigration en Europe, les grandes lignes sont désormais définies à Bruxelles, à travers la politique des flux. L’Allemagne a connu tous les flux, avec les Turcs, les Kurdes, avec l’immigration ethnique qui lui a valu de recevoir deux millions d’Allemands venus de Russie. Ensuite vient l’Espagne, avec 4,5 millions d’étrangers, puis la France, la Grande-Bretagne et l’Italie. Ces disparités s’accompagnent de disparités du vivre ensemble, puisque ce sont les États, même si les intrusions de Bruxelles se font plus pressantes, qui définissent les politiques scolaires, culturelles, sociales, d’intégration. L’Europe a également connu un certain nombre de désenchevêtrements, avec les Finnois revenus de Carélie, les 500 000 Bulgares partis en Turquie, les Grecs de Mer Noire revenus en Grèce. Sans compter la grande mobilité en Russie.

Plus spécialement, la France accueille chaque année 170 000 migrants, ce qui équivaut au nombre des naissances, et le stock d’étrangers est d’environ 3,5 millions.
L’Afrique connaît de fortes mobilités intérieures, avant même la mobilité intercontinentale. Le voyage au long cours est souvent le seul espoir : il s’agit là d’entrepreneurs d’eux-mêmes, prêts à mourir pour leurs projets, souvent appuyés par leur famille. Dans les pays africains, passés en vingt ans de 70 % de ruraux à 70 % d’urbains, les populations sont informées, n’acceptent plus la fatalité d’être dans des pays pauvres et mal gouvernés.

Au Proche-Orient, Arabie Saoudite et pays du Golfe reçoivent une forte immigration. Aux États-Unis, la plus grande frontière du monde, celle avec le Mexique, est aussi la plus traversée : 13 millions de sans-papiers contribuent à la prospérité américaine.

La mobilité : bien public mondial

La gestion de l’accueil par les seuls pays d’accueil n’est guère satisfaisante, il vaudrait mieux mettre tout le monde autour de la table, arriver à un socle commun, une feuille de route des migrations, considérer la mobilité comme un bien public mondial. Car elle atténue les plus fortes disparités. Quand les frontières sont ouvertes, les gens circulent, viennent, repartent ; quand elles sont fermées, ils s’installent. Organiser une gouvernance mondiale et multilatérale permettrait d’harmoniser les choses et d’accompagner la mobilité. C’est une vieille idée philosophique que ce droit à la mobilité, un nouveau « droit de l’homme »… fortement réprimé. Le grand perdant, en définitive, est l’État-nation.