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Document mis en ligne le 1er mai 2012
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La question de l’énergie va-t-elle se trouver résolue par la technique ? Si l’on en croît les différents prophètes des réseaux intelligents (smart grids), la nouvelle génération de réseaux permettra de répondre à cette question.

Les smart grids présentent en apparence cet avantage de concilier autonomie et solidarité : chacun produit et consomme et peut à la fois puiser dans le réseau et injecter dans celui-ci en fonction de ses besoins et de ses capacités de production. Il y a là une forme d’utopie concrète, qui propose l’harmonie entre l’individu et le collectif : je produis pour mon propre compte, les surplus sont absorbés par le réseau et redistribués via celui-ci et, en tant que de besoin, j’ai accès aux ressources produites par les autres pour ma propre alimentation.

L’énergie à la mode Wikipédia en quelque sorte : la somme des décisions individuelles, par la magie d’un réseau bienveillant, produisant du bien être et du sens collectif.
Est-ce véritablement aussi facile que ça en a l’air ?

D’abord, ce principe ne dit rien sur l’évolution des consommations. Le rapport individu/collectif qui s’établit dans le cadre des smart grids suppose-t-il ou non une maîtrise des consommations individuelles ? Quel est le scénario qui permet aux smart grids de fonctionner : le maintien des consommations en l’état actuel, une diminution des consommations individuelles, un accroissement de celles-ci ? Ce n’est pas très clair, dans la mesure où l’on ne connaît pas le coût d’investissement réel dans un réseau intelligent. Ensuite, ce principe ne dit rien sur le partage entre production individualisée d’énergie et production organisée, qu’elle soit publique ou privée ; un réseau intelligent a-t-il ou non besoin de la permanence d’une ou plusieurs sources centralisées de production d’énergie ?
En réalité, ceci pointe que nous ne disposons pas, aujourd’hui, de scénario construit qui nous permette d’envisager l’avenir de la production et de la consommation d’énergie et de son impact sur les territoires. La seule tentative existante à ce jour est le scénario
« Négawatt », mais il ne nous dit rien sur les incidences territoriales d’une stratégie combinant énergies renouvelables, efficience des appareils et réduction des consommations.

Quels seront les territoires « gagnants », quels seront les territoires « perdants » dans la perspective d’une transformation radicale du mix et du mode de production/consommation/distribution de l’énergie ?
Nous n’en savons aujourd’hui rien.
Il est tentant d’envisager cette utopie technologique qui permettrait à chaque territoire d’assurer son autonomie énergétique tout en comptant sur la solidarité globale du fait de l’interconnexion des réseaux. Mais savons-nous le faire ? Sommes-nous techniquement prêts à assurer l’interconnexion des producteurs/consommateurs, c’est-à-dire à faire fonctionner des réseaux dans tous les sens ? Savons-nous seulement si cette réversibilité désirable est possible à grande échelle ? Et surtout, connaissons-nous le modèle économique de cet objectif ?

La production/distribution d’énergie électrique s’est fondée, en France, sur le principe du « coût moyen », imposé par les acteurs politiques territoriaux contre l’avis des ingénieurs et des économistes qui préconisaient historiquement une tarification au coût marginal. Cette tarification au coût moyen a permis de facturer le KWh au même prix quelle que soit la localisation de l’usager —en zone dense ou en zone peu dense. C ‘est ce principe qui a permis l’édification d’un système de production/distribution à la fois rentable et efficace d’un point de vue économique, social et territorial. Ce dispositif est aujourd’hui fortement ébranlé par l’introduction de l’impératif écologique (abandon progressif de l’énergie nucléaire ?), la concurrence (encore théorique en matière électrique) et les revendications d’autonomie territoriale.

Sommes-nous capables d’inventer un équivalent, qui garantisse à la fois la fourniture d’électricité en tous points du territoire, un coût uniforme (ce qui suppose l’acceptation de fait d’une péréquation forte entre les territoires rentables et les territoires non rentables) et qui satisfasse aux exigences environnementales (y compris en incluant l’abandon du nucléaire) ? Nous en sommes peut-être capables, mais nous n’en savons rien. En dehors du scénario Négawatt, qui n’est pas territorialisé, nous sommes incapables d’anticiper les conséquences territoriales d’un scénario électrique qui miserait tout sur un dispositif de type smart grid, c’est-à-dire qui combinerait autonomie dans la production et solidarité dans la distribution d’énergie. Nous avons quelque idée du coût (du moins en l’état actuel des techniques), considérablement supérieur à celui de l’énergie électrique actuellement disponible ; ce coût supplémentaire peut être socialement acceptable si nous le voulons collectivement. Pour autant, nous n’avons aucune idée des conséquences territoriales d’un tel choix : tous les territoires ont-ils ou non les mêmes capacité à développer des énergies nouvelles renouvelables ? La somme des capacités territoriales permet-elle de couvrir les besoins ? L’interconnexion des réseaux locaux suffit-il à assurer la couverture exhaustive du territoire ? Ce système combinant autonomie et solidarité peut-il fonctionner avec un tarif unique ? Comment, dans ce cas, faire évoluer les grands monopoles ? Autant de questions qui restent aujourd’hui sans réponse en l’absence d’études territorialisées un peu sérieuses.

Autant de questions qui restent aussi suspendues à des évolutions technologiques, elles mêmes problématiques. Encore un effort pour rendre les réseaux (vraiment) intelligents.

Diplômé de Sciences Po Paris en 1982, Philippe Estèbe est également docteur en sciences politiques et en géographie depuis 1999. Spécialiste de l’aménagement du territoire, il exerce des activités de consultant, d’abord à la société de conseil (TEN), puis dans une filiale de la Caisse des dépôts et consignations consacrée au logement social (SCIC) ; il s’est aussi spécialisé dans l’aménagement urbain des quartiers populaires. Il passe deux ans (1992-93) à conduire l’évaluation nationale de la politique française de revitalisation des quartiers populaires (dite "politique de la ville »), à la suite de quoi il a occupé un poste de maître de conférences en géographie à Toulouse jusqu’en 2005. Il entre simultanément à Acadie, autre société de conseil et prend un poste d’enseignant à Sciences Po Paris à partir de 2000, puis est directeur de l’Institut des hautes études d’aménagement et de développement des territoires en Europe de 2008 à 2016. En 2012, il devient professeur associé au conservatoire national des arts et métiers (CNAM).

Il est par ailleurs directeur de publication de la revue Tous Urbains.

Ses principales publications sont :
– Villes moyennes en Europe : une approche comparative, 2019, PUCA (en collaboration avec Xavier Desjardins).
– L’égalité des territoires, une passion française, Paris, PUF, collection Ville en débat, 2015.
– Gouverner la ville mobile, Presses universitaires de France, 2008.
– L’usage des quartiers, éditions l’Harmattan, 2004.
– L’État animateur, (avec J. Donzelot), éditions Esprit, 1994.
– Les communes au rendez-vous de la culture (avec E. Rémond), éditions Syros, 1985.

https://www.acadie-cooperative.org/